La semaine passée, lors de mes deux ateliers d’écriture, les participants et moi avons discuté sur la façon d’écrire un dialogue. C'est durant le cours du vendredi, cependant, que j’ai soudain allumé sur le procédé qui utilise les guillemets. Avant, je dois vous l’avouer, je ne comprenais cette technique que partiellement…
Vous savez, j’adore enseigner l’écriture, parce que j’y apprends énormément ! C’est fou…
Donc, c’est en lisant un extrait du roman L’indésirable aux participants que je compris en détail cette façon d’écrire les dialogues.
Belle technique, vous allez voir ! Plus je la découvre, plus je l’aime.
Allons-y avec un exemple tiré de mon imaginaire, un premier jet, avec quelques retouches, d’accord ? Et toute son imperfection : mon but, ne l’oubliez pas, est d’illustrer la méthode.
Aline marcha nerveusement vers Jean. Il ne l’avait même pas remarquée, ce qui augmenta son anxiété, et son cœur s’emballa. À tout moment, ses jambes pouvaient lâcher. Il ne le fallait pas, il devait le savoir. Décidée, malgré ses échasses flageolantes, elle se planta devant lui. « Je suis ta fille, dit-elle. » Il pouffa de rire. « Qu’est-ce que tu racontes, petite ? T’as mal dormi ?
− Non, j’ai la preuve ADN. Tiens… »
Il saisit le billet qu’elle lui tendait, et plus il le lisait, plus son visage blêmissait. Il braqua soudain des yeux sévères sur elle. Aline tressaillit. « Comment est-ce possible ? » demanda-t-il en lui remettant brusquement la feuille. « Je n’ai pas d’enfant, je n’ai pas de femme, je suis seule depuis…
− Tu n’as jamais rencontré de femmes dans ta vie ?
− Ben, euh, fit-il, oui, quelques-unes, mais rien de sérieux…
− Tu ne t’es jamais imaginé que l’une d’entre elles aurait pu tomber enceinte de toi ? »
Il se frotta machinalement le menton, plissant les yeux. « Y a p’t-être cette gitane, Françoise, avec qui j’ai batifolé un peu plus longtemps…
− Francesca, peut-être ?
− Non, elle s’appelait Françoise ! Quand je l’ai connue, elle nichait face à l’océan Pacifique dans une espèce de caravane bleue qu’elle avait probablement tirée avec son vieux Jeep. »
Jean se mit à sourire, semblant tout à coup perdu dans ses souvenirs. Aline en profita pour sortir une photo de sa poche et la lui brandit sous le nez. « Cette caravane, par hasard ? » Il coula un regard vers elle. Ses yeux trahissaient une profonde incrédulité, de la peur aussi. D’un geste lent, il prit la photo et l’examina.
Ce qu’il faut comprendre avec cette technique, c’est que chaque fois que vous voulez introduire une phrase de la narration, vous devez fermer les guillemets pour les ouvrir plus tard, lors d’une réplique suivante, comme le démontre l’exemple ci-dessous.
« Je suis ta fille, dit-elle. » Il pouffa de rire. « Qu’est-ce que tu racontes, petite ? T’as mal dormi ?
Si je n’ai pas fermé les guillemets à la suite de la deuxième réplique, c’est parce qu’une autre réplique suivait directement. Dans ce cas précis, vous devez alors utiliser les tirets pour introduire cette nouvelle réplique. Et lorsque vous avez plusieurs répliques qui s’enchaînent, sans inclure de phrases appartenant à la narration, privilégiez les tirets.
« Je n’ai pas d’enfant, je n’ai pas de femme, je suis seule depuis…
− Tu n’as jamais rencontré de femmes dans ta vie ?
− Ben, euh, fit-il, oui, quelques-unes, mais rien de sérieux…
− Tu ne t’es jamais imaginé que l’une d’entre elles aurait pu tomber enceinte de toi ? »
La première réplique est introduite par un guillemet qu'on ouvre, puis les suivantes sont précédées d'un tiret. Et la dernière réplique de l'échange se termine par un guillemet fermé. Voilà.
Ça va ? Vous me suivez toujours ? OK, alors on peut continuer.
Qu’en est-il maintenant des incises ? C’est très simple. Si elles sont brèves, vous les insérez à l’intérieur des guillemets. « Je suis ta fille, dit-elle. » Par contre, si elles sont longues, vous fermez le guillemet avant et écrivez l’incise après.
Il saisit le billet qu’elle lui tendait, et plus il le lisait, plus son visage blêmissait. Il braqua soudain des yeux sévères sur elle. Aline tressaillit. « Comment est-ce possible ? » demanda-t-il en lui remettant brusquement la feuille. « Je n’ai pas d’enfant, je n’ai pas de femme, je suis seule depuis…
Et si une autre réplique du même personnage suit, vous rouvrez alors les guillemets comme je l’ai fait.
Pour conclure, voici un extrait tiré du roman de Sarah Waters, L’indésirable, P.136-137. Je vous conseille de prendre votre temps pour analyser la façon dont l’auteure utilise les guillemets et les tirets dans ses dialogues. Bonne lecture et bonnes découvertes !
« Ce n’était la faute de personne, dit Caroline. C’est ce beau-frère qui s’est déchaîné sur le clavecin. Et si les parents avaient su tenir la petite au lieu de la laisser courir partout — ou mieux encore, s’ils ne l’avaient pas simplement amenée… »
Ce qui nous ramenait exactement au point de départ, si ce n’est que, cette fois, c’est Caroline, sa mère et moi qui revécûmes le drame du début à la fin, chacun apportant sa vision légèrement différente des événements. De temps à autre, je jetai un regard vers Rod. Je le vis allumer une nouvelle cigarette — qu’il rata complètement, laissant tomber du tabac sur ses genoux —, je le sentais remuer sans cesse, s’agiter, comme agacé par nos voix. Toutefois, je ne m’étais pas rendu compte à quel point il se sentait mal jusqu’à ce qu’il bondisse soudain sur ses pieds.
« Assez ! fit-il. Je ne peux plus supporter ça. J’en ai assez entendu pour aujourd’hui. Excusez-moi, Maman, docteur : je retourne à ma chambre. Je suis désolé. Je… je suis désolé. »
Il parlait d’une voix si épuisée et se déplaçait si péniblement que je fis mine de me lever pour l’aider.
« Ça va aller ?
− Très bien », fit-il aussitôt, tendant une main comme pour me repousser. « Ne vous inquiétez pas. Réellement, je vais très bien. » Il eut un sourire peu convaincant. « Simplement, je me sens un peu minable, après ce soir. Je vais… je vais dire à Betty de m’apporter un caco. Après une bonne nuit de sommeil, je serai en pleine forme. »
Sa sœur se leva, se dirigea vers lui et glissa un bras sous le sien.
« Vous n’avez pas besoin de moi, Maman? fit-elle à mi-voix. Dans ce cas, je vais aussi vous dire bonsoir. » Elle me jeta un regard gêné. « Merci d’être passé nous voir, docteur Faraday. C’est très attentionné de votre part. »
Je fus contraint de me lever à mon tour. « Désolé de n’avoir pas pu apporter de meilleures nouvelles. Mais je vous en prie, essayez de ne pas trop vous inquiéter.
− Oh, je ne suis pas inquiète », fit-elle avec un sourire aussi brave que celui de son frère. « C’est gens peuvent bien dire ce qu’ils veulent. Ils ne toucheront pas à Gyp. Je ne les laisserai pas faire. »
Roderick et elle sortirent, le chien trottinant fidèlement sur leurs talons, rassuré pour le moment, par l’assurance de leurs voix.
Voilà.
Merci d’être là et de me lire !
Annie xxx…