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lundi 13 décembre 2010

Entrevue virtuelle avec ALAIN M. BERGERON - Partie 2


Voici la suite de l'entrevue fort intéressante avec Monsieur ALAIN M. BERGERON, écrivain jeunesse, talentueux et prolifique, ayant écrit plus de 100 livres.

Le processus créatif d'Alain


Roman en chantier : Comment visualisez-vous votre manière de créer? (Par exemple Mireille Pochard, dans son livre Écrire une nouvelle et se faire publier, explique que lorsqu’elle écrit, elle visualise une pelote, elle imagine que tout est déjà à l’intérieur d’elle, qu’elle ne crée rien, qu’il suffit de dévider… Ce qui n’exclut pas quelques nœuds qu’il faut défaire pour avancer !) Qu’en est-il avec vous?

Alain : Une pelote ? Tiens donc… Dans mon cas, c’est beaucoup plus simple : je me vois en train de noircir des pages de mon cahier. Bon, avec cette réponse, je ne noircirai pas des pages de ce questionnaire… Je ne me casse pas trop la tête sur le processus créatif. C’est quelque chose d’extrêmement compliqué en somme. Qu’est-ce qui génère une idée ? Comment en arrive-t-on à assembler des mots pour en faire une histoire qui plaira ? Trouverais-je un jour un nouveau projet ? L’auteur, comme le musicien ou l’artiste, est-il simplement un canal, connecté à une source d’inspiration commune ? Allez donc savoir. Je préfère ne pas me casser la tête avec des théories et je privilégie l’action : écrire, point à la ligne.

Roman en chantier : Comment naissent vos histoires? Est-ce le personnage qui arrive en premier, l’intrigue, la situation, une atmosphère, un décor? Est-ce vous qui décidez de l’histoire ou bien vos personnages?

Alain : La première chose qui m’importe dans un récit, c’est la chute ! S’il n’y a pas de chute, il y a des personnages qui se promènent dans le vide et qui espèrent une histoire qui n’aboutit pas. Il peut arriver que des personnages soient créés sans que je sache trop quoi en faire. Pour ne pas les oublier, je les écris dans un cahier et j’attends moi aussi qu’une histoire, avec une chute, se compose dans ma petite tête. Ça peut prendre des journées, des heures (des minutes également), des mois ou ne jamais se produire carrément.

Comme j’ai un calendrier de production – n’ayons pas peur des mots – et que je planifie mon travail environ une année à l’avance, je sais toujours ce qui s’en vient pour moi (à quelques surprises près, ce que je me permets). Par exemple, je peux avoir une idée très vague pour les prochains Petits pirates (Boréal Maboul), idée que je ne retravaillerai que dans un an. On dirait que lorsque cette échéance approche, certains fils dans mon esprit se rejoignent et concoctent quelque chose. Si bien qu’au moment où je dois écrire l’histoire, tout est presque prêt à sortir.

Pour ce qui est de mes personnages, même si je les entends dire les répliques, c’est moi le patron, malgré ce qu’ils prétendent. Parfois, ils vont tellement vite que j’ai peine à les suivre et à tout écrire. C’est aussi pour cette raison que j’écris à la main dans un cahier. Ça va beaucoup plus rapidement qu’à l’ordi (et je ne risque pas de perdre mon texte, comme ça m’est arrivé dans les premières années).

Roman en chantier : Comment procédez-vous pour vous immerger dans la conscience de vos personnages et réussir à les ressentir de l’intérieur?

Alain : Je me glisse dans leur peau, tout simplement. J’ai une dizaine de séries un peu partout, mais la « voix » de chaque personnage est distincte, même s’il peut y avoir certaines ressemblances au bout du compte (du conte?). Je sais comment chacun réagit devant telle situation. N’oublions pas également la directrice littéraire qui reçoit le texte et qui, elle aussi, connaît les personnages.

Roman en chantier : Utilisez-vous un plan pour écrire? Ou au contraire, écrivez-vous votre premier jet en vous fiant à ce qui vient tout simplement, à votre inspiration? Comment procédez-vous?

Alain : Que ce soit pour un petit album de 16 pages ou pour un roman de 220 pages, le processus d’écriture demeure toujours le même : d’abord le plan. Je fais souvent l’analogie avec mes animations. Si je n’ai pas un plan pour me rendre à l’école, je vais me perdre, ça, c’est garanti. Pareil pour l’écriture. J’écris un résumé de l’histoire qui doit tenir en un paragraphe. Ensuite, j’écris toutes les idées qui me viennent en tête pour enrichir le récit. Enfin, je divise mon histoire en chapitres (selon le public cible) et je fais un résumé pour chacun des chapitres. Ainsi, je sais toujours dans quelle direction je m’en vais. J’ai écrit une fois un texte à l’aveuglette et je ne me suis pas rendu à destination. Le temps étant précieux, je n’ai plus répété l’expérience, merci.

Roman en chantier : Jusqu’à quel point la part de votre inconscient est-elle présente dans votre écriture? (Y faites-vous confiance? Comment travaillez-vous avec lui? Durant le premier jet? Dans la réécriture? À chacune des étapes de la création de votre histoire? Comment le visualisez-vous? Une fée avec une baguette magique? Un maître écrivain assis sagement à son bureau au sommet d’une montagne? Comment qualifiez-vous votre relation avec votre inconscient? Etc.)

Alain : Quand je sais que je vais écrire le lendemain, peu importe où j’en suis dans mon histoire, je me conditionne toujours avant de me coucher. On pourrait appeler cela du renforcement créatif. Effectivement, j’ai l’impression que mon inconscient a quelque chose à faire dans tout ça. Ironiquement, de se prénommer Alain et d’être conscient de faire appel à l’inconscient, c’est assez subtil, merci. Prenez votre temps, là…

Je fais une série de livres-documentaires-bandes dessinées (Savais-tu ? aux éditions Michel Quintin) où je dois créer 29 gags à partir d’une simple phrase. Ce qui n’est pas toujours évident. Quand je bute sur certains gags, le soir avant de me coucher, je me conditionne à trouver la solution à mon problème. Et cette solution apparaît assez rapidement le lendemain.

Roman en chantier : Quels sont vos trucs pour annihiler l’effort de votre critique intérieur à saboter votre écriture? (Quand vous êtes bloqués, que faites-vous pour vous en sortir?)

Alain : Pour l’écriture de romans, en fait, je ne bloque jamais, en raison du plan mentionné plus haut. Je peux parfois trébucher sur des phrases, mais je me donne aussi la chance de ne pas atteindre la perfection dès le premier jet, d’être humain, finalement.

Ma vingtaine d’années en journalisme me sert beaucoup également. À une douzaine de textes par semaine (journal), on n’avait pas le loisir de s’éterniser sur une virgule.

Quant à mon critique intérieur, le salaud, je l’ai congédié pour sabotage ! Je peux très bien me débrouiller sans sa contribution. Quelqu’un m’avait déjà dit qu’on n’est pas aussi pourri qu’on le pense… pour ajouter dans un même souffle qu’on n’est pas aussi bon qu’on le souhaite…

Donc, ne soyons pas trop durs pour nous-mêmes, tout en gardant les pieds sur terre.

Cette entrevue hyper intéressante n'est pas encore terminée, heureusement. Dans un prochain billet, vous pourrez lire la dernière partie (snif! snif!) de notre entretien avec Alain.

Merci d'être là et de nous lire.
À bientôt,
Annie xxx...

3 commentaires:

  1. Vraiment très intéressant!! Et en plus, ce n'est pas terminé!! :)

    J'adore apprendre comment fonctionnent les autres auteurs. C'est vraiment passionnant! Et Monsieur Bergeron a raison. Les saboteurs sont inutiles! Allez ouste!

    Merci!

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  2. Merci À L'IN-fini Annie, de nous permettre d’entrer À L'IN-térieur du processus créatif d’Alain. À L'IN-fatigable et À L'IN-génieux auteur, je lève ma tisane au citron.

    Surprenant de lire qu’il utilise encore le crayon et le papier pour écrire, au lieu d’y aller directement À L'IN-formatique. Ce qui m’étonne le plus, c’est de voir à quel point tout est planifié. Wow! Et si une idée géniale surgissait À L'IM-proviste? La noter et la garder pour plus tard? Quelle discipline!

    Il est chanceux de pouvoir faire autant de jeux de mots avec son prénom...

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  3. @ Julie : Ahahah! Je vois que tu as compris... Merci d'être passée sur Roman en chantier.

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