Pour la deuxième entrevue virtuelle sur Roman en chanter, j'ai l'immense plaisir de vous présenter une femme généreuse, vivante, dynamique, enthousiaste, créative...
FALY STACHAK
Faly a accepté avec plaisir de jouer le jeu de l'entrevue virtuelle et je l'en remercie de tout coeur.
Comme Faly est très généreuse dans ses réponses, l'entrevue se fera en trois parties.
Alors, pour la première partie, écoutons-la nous parler d'elle et de sa relation avec l'écriture.
La relation de Faly avec l'écriture
ROMAN EN CHANTIER : À quel moment dans votre vie s’est manifesté votre désir d’écrire et à quel moment avez-vous commencé à écrire ?
FALY STACHAK : J’ai toujours écrit, du plus loin que je me souvienne. Comme tous ceux qui ont l’écriture en eux, je remplissais des cahiers de brouillon d’histoires sentimentales ou fantastiques (thèmes de filles !). Il parait, mais cela non plus n’est pas original, que je m’écris, que je déroule ma vie comme un roman, comme plusieurs romans. J’écris dans ma tête sans cesse, plus que sur le papier… Si l’on pouvait brancher un ordi sur ses pensées, combien de livres aurions-nous écrits déjà, vous et moi ! Car voilà, j’aime tant la vie que me poser sur la page est toujours une torture, et puis, lorsque j’y suis — je suis, mais comme c’est banal tout ça, le temps n’existe plus. Comme tous ceux que l’écriture taraude, j’ai bien sûr des dizaines de carnets, voire quelques cahiers… mais pour l’instant, je ne suis qu’une « professionnelle » de l’écriture. Si écrire est avoir achevé et publié une fiction, ce que je crois, alors, je n’ai pas encore fait toutes mes preuves, mais j’y travaille !
ROMAN EN CHANTIER : Est-ce que l’écriture est un besoin pour vous? Si oui, pourquoi?
FALY STACHAK : Tous les écrivains disent que c’est vital, un besoin, etc. Je ne sais pas répondre à cette question, pour moi, c’est ce que je sais faire de mieux, — ce qui ne veut pas dire que je le fais génialement bien ! —, c’est mon métier, l’écriture fait partie de ma vie, intrinsèquement. Je n’imagine pas ne pas écrire, mais je n’imagine pas non plus ne faire qu’écrire.
Sauf que je sens en moi depuis toujours cet extraordinaire pouvoir, et que, où que je sois, je ne serai jamais perdue, du papier, un stylo : l’univers !
ROMAN EN CHANTIER : Écrivez-vous à temps plein? Ou en parallèle avec un autre métier?
FALY STACHAK : Je suis auteur, pas écrivain. J’ai été conceptrice-rédactrice (j’ai notamment un peu travaillé avec Arte et d’autres « produits » connus mais moins prestigieux…) j’ai enseigné ou j’enseigne des pratiques d’écriture, écriture médiatique, écrits d’images documentaires, écrits professionnels, techniques de la fiction… de l’université à la prison, du cadre supérieur à la personne handicapée mentale, j’adore la pédagogie, j’adore transmettre cette faculté incroyable que nous avons tous, quel que soit notre niveau, écrire-lire… fabriquer du verbe, du sens, des sens. Cela m’émerveille, véritablement.
Mais ce n’est pas là « mon écriture ». Celle que j’évoque tout de suite, la fiction. Elle, c’est mon intime, ma maison enchantée, que j’abandonne trop souvent, mais que je sais présente et dans laquelle je peux entrer à tout moment. Et vivre. Autrement. Écrire de la fiction, c’est comme un rendez-vous d’amour — c’est mon amie Nathalie écrivain qui dit ça, et elle a tant raison ! – Mais ce rendez-vous, je le diffère, jusqu’à ce que ce que je ne me supporte plus, comme si écrire, passer à l’acte, allait tuer le désir ! Pourtant, quand j’y suis – ce verbe « être » ici est d’importance — je voudrais vivre avec elle toujours, sans souci du monde, en suspension.
ROMAN EN CHANTIER : Quelle est votre routine d’écriture? (Écrivez-vous le matin, l’après-midi, le soir ou pendant la nuit? Combien d’heures par jour? De quoi vous entourez-vous pour écrire? De photos? De plantes? De toutous? De vos chats? Écrivez-vous à la maison ou dans les cafés, dans les parcs ou en plein cœur de la nature? Avez-vous un espace juste pour vous? Si oui, à quoi ressemble-t-il? Etc.)
FALY STACHAK : Pour la fiction, quand l’amoureuse se fait pressante, exigeante, quand elle me répète que c’est elle et moi l’essentiel, que je le sais, que je bouche mes oreilles, mais qu’elle me crie de l’intérieur, alors j’y vais ! J’écris le matin, le plus tôt que je peux, ce qui est déjà tard – oh mes amies qui écrivaient dès 5h du matin, et ne dormaient que 3 ! — J’écris alors plusieurs heures, toute la journée, je voudrais ne jamais arrêter, que l’on me nourrisse avec une sonde (ce n’est pas tout à fait vrai, j’adore manger !) et qu’on me couche… pour juste recommencer le lendemain.
Pour le reste, ouvrages de techniques littéraires ou essais, c’est très variable, — mais je n’ai pas une grande production ! — je m’y « mets » plutôt toute la journée. Et puis la vie me rattrape. Pour un essai sur les femmes, je suis allée vivre chez ma mère, c’est symbolique… Je me suis adorée ! Enfin, disciplinée ! 7h-3h du matin ! En trois semaines, le livre était bouclé. Mais je laisse généralement traîner et m’y prends à la dernière minute… En répondant à toutes ces questions, je réalise que j’agis vraiment en dilettante ! Sauf que je suis perfectionniste, ce qui me sauve ! Merci papa de nous avoir martelé cette citation de Guillaume d’Orange : « il ne suffit pas d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Vous suivez ?
Pour écrire, j’ai besoin d’être enfermée, plutôt loin de tout, de mes repères, dans un endroit lumineux, accueillant, dépouillé. En rupture avec le quotidien (quotidien que je connais peu ceci dit), écrire ailleurs, dans un no man’s land. C’est tellement vrai que je viens de déménager à l’instant l’ordi ! Je suis maintenant assise dans une véranda, à quelques mètres de la rivière, je peux comme la toucher si je tends le bras, deux labradors couchés à mes pieds. Mise en scène parfaite !
ROMAN EN CHANTIER : Quelle partie dans la création d’une histoire préférez-vous? La gestation, le premier jet, le développement des personnages, la réécriture, etc. ? Pourquoi?
FALY STACHAK : J’aime tout ! Chaque passage est une autre facette de l’écriture, de soi-même, un autre travail. Jamais ennuyant. Si le premier jet porte et transporte, la réécriture peut-être jubilatoire.
ROMAN EN CHANTIER : Si vous aviez à utiliser une métaphore pour décrire le type d’écrivain que vous êtes, quelle serait-elle?
FALY STACHAK : Comme je l’ai dit plus haut, je ne me sentirais un écrivain à part entière que lorsque j’aurais publié au moins trois fictions. Lorsque je ne ferais plus que ça. Jusqu’à présent, je me sens dilettante, avec des facilités sans doute, — ce qui peut être un handicap —, mais dilettante quand même, et cela me navre ! J’aime tant aussi la vie en chair, en vent, en mer, en terre, en rencontres ! Je suis tout autant portée dans la vie que sur la page. C’est un choix, difficile, très, à chaque fois, me poser, écrire. Mais alors, quel bonheur !
Je me fais penser parfois, moi qui aide tant de personnes à accoucher sur la page, à l’auteur d’un best-seller sur le métier de future maman… Elle n’a jamais eu d’enfant, pas même adopté ! Allez, je vous rassure, vous savez comme ce que l’on écrit dépend du moment : dans deux jours, je m’enferme trois semaines en Bretagne, j’ai accepté mon rendez-vous d’amour…
ROMAN EN CHANTIER : Comment qualifiez-vous votre relation avec l’écriture?
FALY STACHAK : Névrotique ! C’est le premier mot qui me vient ! Elle est tout pour moi, et nous jouons à cache-cache. Parfois, c’est moi qui compte, parfois c’est elle, on se cherche, longtemps, on se trouve enfin, on passe du temps l’une et l’autre ensemble et puis je change de jeu. Jusqu’à la prochaine partie.