vendredi 15 octobre 2010

Entrevue virtuelle avec FRANCINE ALLARD



Ce mois-ci, nous avons l'honneur d'accueillir sur Roman en chantier Francine Allard, auteure (entre autres) de la trilogie La Couturière (éditions Trois-Pistoles), dont le troisième tome vient de paraître en septembre 2010. Auteure généreuse aux multiples talents (aquarelle, chant, radio, écriture, cuisine...), Francine s'est proposée à jouer le jeu de l'entrevue virtuelle. Nous lui en sommes très reconnaissantes. 

Écoutons-la nous parler de sa relation avec l'écriture...

La relation de Francine avec l’écriture

ROMAN EN CHANTIER : À quel moment dans votre vie s’est manifesté votre désir d’écrire et à quel moment avez-vous commencé à écrire ?

FRANCINE ALLARD : Mes premiers textes remarquables étaient des chroniques écrites pour la Télé-Université. À 40 ans, j’ai participé à l’émission CANAL MAG durant deux ans et je lisais un de mes textes chaque semaine. Un d’entre eux a été remarqué par l’éditeur Alain Stanké qui m’a offert de publier mon premier livre. Il a tellement insisté que quatre mois plus tard paraissait Défense et illustration de la toutoune québécoise, un petit livre sur un gros sujet qui a été rapidement un best-seller.

ROMAN EN CHANTIER : Est-ce que l’écriture est un besoin pour vous? Si oui, pourquoi?

FRANCINE ALLARD : Si j’étais empêchée d’écrire, pour une raison quelconque, je pense que je ferais autre chose. De l’aquarelle? Du stand up comic? De la radio? L’écriture me manque quand je perçois que mes lecteurs attendent un autre roman. Ou que l’un de mes éditeurs me presse, mais ça n’arrive pas souvent.

ROMAN EN CHANTIER : Écrivez-vous à temps plein? Ou en parallèle avec un autre métier?

FRANCINE ALLARD : Écrire à temps plein? Y a-t-il des gens qui font ça à longueur de journée? Pas moi. J’écris quand ça élance, dirait Claude Jasmin. J’écris quelques heures par jour, mais le reste du temps, je lis, je participe à des activités sociales, je fais de la politique, je m’occupe de mes petits-enfants, je fais de l’aquarelle, et je cuisine. Seigneur, que j’aime cuisiner! J’écris parce que je prends le temps de vivre.

ROMAN EN CHANTIER : Quelle est votre routine d’écriture? (Écrivez-vous le matin, l’après-midi, le soir ou pendant la nuit? Combien d’heures par jour? De quoi vous entourez-vous pour écrire? De photos? De plantes? De toutous? De vos chats? Écrivez-vous à la maison ou dans les cafés, dans les parcs ou en plein cœur de la nature? Avez-vous un espace juste pour vous? Si oui, à quoi ressemble-t-il? Etc.)

FRANCINE ALLARD : J’écris quand la nécessité monte en moi. J’écris plutôt le matin quand j’ai les idées claires. Comme je suis pratiquement toujours seule (mon conjoint est médecin et il travaille 70 heures par semaine), je pourrais écrire douze heures par jour. Mon compagnon de bureau est un canari allemand qui chante dix mois par année et il se tait en période de mue. J’écris sur le pupitre de l’éditeur Pierre Tisseyre, un mastodonte en chêne que j’ai acheté alors que je travaillais pour cette maison d’édition. Quelques objets fétiches. Des dictionnaires stationnés en permanence. Une chandelle rouge allumée l’hiver parce que c’est zen.

ROMAN EN CHANTIER : Quelle partie dans la création d’une histoire préférez-vous? La gestation, le premier jet, le développement des personnages, la réécriture, etc. ? Pourquoi?

FRANCINE ALLARD : L’écriture d’une histoire est la dernière étape. Mais la gestation, qui comprend la recherche – et dans le cas d’une trilogie d’époque, cette dernière représente 75% du travail – et le plan. Je travaille d’après un synopsis très dense. Je cherche les noms de mes personnages et leur attribue une personnalité que je décris pour chacun avec beaucoup d’intériorité. Après, quand tout est en place, je procède à la rédaction. Les recherches sont intenses. Je peux passer une heure sur les styles de commodes, les couleurs des tapis, l’usage du papier peint. Aucune affirmation qui n’ait été vérifiée.

ROMAN EN CHANTIER : Si vous aviez à utiliser une métaphore pour décrire le type d’écrivain que vous êtes, quelle serait-elle?

FRANCINE ALLARD : Je dirais : meilleure dans rien, bonne dans tout

ROMAN EN CHANTIER : Comment qualifiez-vous votre relation avec l’écriture?

FRANCINE ALLARD : Mon écriture est toujours la même dans le sens que j’écris toujours avec autant d’intensité que l’ouvrage soit destiné aux enfants, aux adolescents ou encore aux adultes. J’écris de la poésie, du roman populaire, du roman littéraire, des essais, des correspondances. Je suis très fière de cela. Je crois que lorsque les mots l’habitent, qu’il lit énormément les mots des autres, qu’il a de l’imagination, l’écrivain est exigeant envers lui-même et son écriture s’améliore avec l’usage. En poésie, cependant, je me démarque. Je déteste la poésie hermétique que personne ne comprend (et être compris de ses lecteurs est une marque de respect, disait Albert Camus) et qui contribue à la pauvreté des poètes. Je lis beaucoup de poésie parce que je fais beaucoup de lectures thématiques avec musicien dans les espaces publics. Ainsi, ma poésie est plus limpide et pas du tout centrée sur les angoisses et la noirceur. Mon prochain recueil, le quatrième, s’intitule L'âme inconsciente du pétoncle. Il sera constitué de poèmes plutôt loufoques.


Le processus créatif de Francine


ROMAN EN CHANTIER : Comment naissent vos histoires? Est-ce le personnage qui arrive en premier, l’intrigue, la situation, une atmosphère, un décor? Est-ce vous qui décidez de l’histoire ou bien vos personnages?

FRANCINE ALLARD : Jamais on ne me fera croire que des personnages peuvent décider de ce que je dois écrire. C’est une mode de répondre cela. Je suis en plein contrôle. Cependant, certains personnages m’habitent, ça oui, après avoir vécu avec eux durant trois ans…

ROMAN EN CHANTIER : Comment procédez-vous pour vous immerger dans la conscience de vos personnages et réussir à les ressentir de l’intérieur?

FRANCINE ALLARD : Je suis dans chacun de mes personnages. Cent, mille facettes de ma personnalité avec des constances : l’humour, la force de caractère, la témérité, la joie. Je ne suis pas intérieurement souffreteuse, alors mes personnages ne le sont pas. Même les plus poqués sont souvent joyeux et profitent de ce que la vie leur offre.

ROMAN EN CHANTIER : Jusqu’à quel point la part de votre inconscient est-elle présente dans votre écriture? (Y faites-vous confiance? Comment travaillez-vous avec lui? Durant le premier jet? Dans la réécriture? À chacune des étapes de la création de votre histoire? Comment le visualisez-vous? Une fée avec une baguette magique? Un maître écrivain assis sagement à son bureau au sommet d’une montagne? Comment qualifiez-vous votre relation avec votre inconscient? Etc.)

FRANCINE ALLARD : Je ne réécris jamais. C’est le premier jet, venu de l’inconscient, tel que le reçoit l’éditeur, qui sera publié. Avec une dizaine d’éditeurs – l’un qui refuse bêtement un manuscrit et l’autre qui l’adore et en fait un best-seller –, j’ai compris qu’un écrivain ne doit pas accepter de réécrire un roman pour plaire à un éditeur. On me refuse ou on m’accepte. Si l’éditeur m’accepte, ce n’est pas après m’avoir demandé de changer ceci ou cela. Une fois le contrat signé, la seule personne qui travaillera mon roman sera la réviseure. C’est un coup de dés. Les lecteurs aimeront ou n’aimeront pas selon la promotion que fera l’éditeur de l’œuvre. Un point c’est tout. J’ai lu des romans très populaires écrits par des artistes de la télévision qui étaient des croûtes, et qui se sont vendues à des milliers d’exemplaires. Je dis souvent à ma mère : rappelle-toi Normand Lamour qui a vendu des milliers de CD!

Je pense que plus un roman est littéraire, moins il se vend.

ROMAN EN CHANTIER : Quels sont vos trucs pour annihiler l’effort de votre critique intérieur à saboter votre écriture? (Quand vous êtes bloqués, que faites-vous pour vous en sortir?)

FRANCINE ALLARD : Ça m’est arrivé seulement une fois en vingt ans. Et j’ai appelé Victor-Lévy Beaulieu pour lui parler du désert qui s’étalait devant moi et il m’a convaincue de continuer et m’en a donné les moyens. C’est ça un grand éditeur, parce qu’il est un très grand écrivain.


Les livres de Francine et le monde de l’édition


ROMAN EN CHANTIER : Parmi tous vos projets, duquel êtes-vous le plus fier? Pourquoi?

FRANCINE ALLARD : Ma trilogie La Couturière qui vient de s’achever (septembre 2010) est une grande réussite au niveau de l’écriture. 1500 pages, c’est pas rien. Mais je suis aussi très contente de ma poésie Quelle mouche te pique?, publiée chez Art Le Sabord.

ROMAN EN CHANTIER : Combien de livres avez-vous écrits en tout?

FRANCINE ALLARD : Plus de 50 titres.

ROMAN EN CHANTIER : Le titre de votre plus récente parution.

FRANCINE ALLARD : La persistance du romarin, tome 3 de La Couturière

ROMAN EN CHANTIER : À quelles maisons d’édition vos livres ont-ils été publiés?

FRANCINE ALLARD : Alain Stanké, Éducalivres, Québec-Amérique, Nouvelle, Vents d’Ouest, Pierre Tisseyre, Tryptique, Trois-Pistoles, Art Le Sabord et Québec Loisirs en plus d’une demi-douzaine de magazines littéraires.


Les lectures de Francine

ROMAN EN CHANTIER : Que lisez-vous?

FRANCINE ALLARD : Je lis l’œuvre d’un auteur choisi, en entier. J’ai lu tout Dany Laferrière, puis tout Claude Jasmin, tout Gabrielle Roy. Je ne lis presque jamais de romans étrangers, surtout pas des traductions. Je privilégie les romans québécois. Je lis en ce moment Bibi de mon ami Victor-Lévy Beaulieu après avoir presque lu toute son œuvre. Je n’ai pas aimé Je m'ennuie de Michèle Viroly, mais j’ai adoré son livre sur James Joyce que j’ai lu il y a quelques années. J’ai lu toute la poésie québécoise, assez pour savoir quoi ne pas écrire. J’ai fait partie de tant de jurys que j’ai lu même des romans d’ici que jamais je n’aurais lus autrement.

ROMAN EN CHANTIER : Quels sont les auteurs qui vous inspirent le plus?

FRANCINE ALLARD : En ce moment, c’est Gabrielle Roy. Quelle richesse!


Les conseils de Francine

ROMAN EN CHANTIER : Selon vous, quelles sont les principales qualités pour devenir un auteur qui publie?

FRANCINE ALLARD : Être né écrivain. Il y a une tonne d’auteurs qui ne sont pas des écrivains. La différence existe puisque l’UNEQ parle elle-même d’auteurs ET d’écrivains quand elle nomme ses membres. Il y a toute une différence entre les deux termes. En littérature pour la jeunesse, il y a surtout des auteurs. J’ajouterais qu’il faut abhorrer la prétention et surtout entretenir le DOUTE, nécessaire au génie.

ROMAN EN CHANTIER : Quel serait le meilleur conseil que vous donneriez à un jeune écrivain désireux de percer dans ce métier?

FRANCINE ALLARD : Se démarquer. Ne pas tenter de se ranger dans un genre déjà populaire comme l’ont fait des douzaines d’auteurs à l’instar de l’auteure de Harry Potter. Et développer la patience.

ROMAN EN CHANTIER : Merci infiniment, Francine, d'avoir répondu si généreusement à toutes nos questions.  Et bon succès avec votre tout dernier bébé littéraire.

FRANCINE ALLARD : Merci !

Si vous voulez en connaître davantage sur cette sympatique auteure, visitez son site Web ICI.

Merci d'être là et si nombreux à me lire, à... nous lire !
Annie xxx... 
 
 

3 commentaires:

  1. Annie, merci de nous offrir de telles entrevues. Très instructif et surtout très intéressant. Excellente entrevue.Encore merci.

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  2. Tout le plaisir est pour moi, Céline. Si ces entrevues peuvent vous aider d'une quelconque manière dans votre écriture, alors mon but est atteint, et j'en suis ravie.
    À bientôt,
    Annie :o)

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  3. Oui! Vraiment très intéressant! Une entrevue qui donne le goût de se procurer "La couturière" et d'y plonger tête première!

    Merci beaucoup Madame Allard pour votre grande générosité.

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