dimanche 30 mai 2010

La perle noire


Avec ses doigts qui tremblent de plus en plus, Jasmine tire délicatement sur le ruban, et le paquet s'ouvre. Elle retient son souffle. Au fond de la boîte, une perle noire déposée sur un pétale de rose. Wow... Il y a un petit parchemin enroulé juste à côté. Elle le prend et lit : « À toi, pour toujours. De moi. »
Encore lui...
Elle dépose la perle sur sa table de nuit et l'observe. Mais qui peut-il bien être ? Ce n'est pas la première fois qu'elle reçoit un présent de ce prétendant anonyme. Inquiète, mais aussi ravie, elle coule un regard vers sa bibliothèque où reposent un bracelet indien, une patte de lapin porte-bonheur, un coffret en bois peint, une plume blanche, un couvre-livre en cuir travaillé à la main, une rose séchée dans un verre de cristal et un collier de minuscules pierres blanches. Elle frissonne. Elle prend vite la perle et va la mettre à côté des autres cadeaux.
Puis une idée lui traverse l'esprit. Se pourrait-il que ce soit Jean ? Aujourd'hui, dans son cours de mathématique, il la regardait plus souvent que d'habitude. Vendredi dernier, à la sortie de l'école, elle aurait juré l'avoir vu en train de l'épier derrière un arbre. Et ces coups de téléphone qu'elle reçoit. Tous les matins, vers six heures trente-cinq, son cellulaire sonne. Elle répond, mais personne ne parle à l'autre bout du fil. Rien. Que le silence, puis on raccroche. Ce rituel dure depuis bientôt un mois, depuis que Jean Rouet est arrivé à son école.
Jean, un garçon discret, aux yeux verts-gris et aux cheveux noirs très courts, qui a toujours ses écouteurs de iPod dans les oreilles et un livre dans les mains. Un intello-sportif, puisqu'il fait déjà partie de l'équipe de basketball interscolaire. Elle le voit rarement entre les cours. Il doit sûrement se cacher au fond de la bibliothèque ou faire rebondir un ballon dans le gymnase.
Jasmine scrute chaque cadeau qu'elle a reçu. Ces petits trésors, elle les trouve toujours dans son sac d'écoles logé dans sa case qui est barrée ! Comment fait-il ? C'est un magicien ou quoi ? À moins qu'il ne connaisse déjà son numéro de cadenas. Qui pourrait le lui avoir divulgué ? Il n'y a que Jo-Lynn qui connaît son numéro, mais Jo-Lynn ne le dirait à personne. C'est une amie fiable, c'est sa meilleure amie. Elle devra être plus attentive, les prochains jours. C'est la période d'examens, et les élèves circulent davantage dans l'école durant cette période.
Elle lance un coup d'oeil vers son réveil-matin. 18 h 56. Dans trente-cinq minutes, le match de basketball va commencer. C'est la finale entre son école, Les Rivières noires, et l'école de White-Eagle. Tout le monde en parlait aujourd'hui. Et si elle y allait ? Oui, mais pas toute seule. Elle se précipite vers son cellulaire et signale le numéro de Jo-Lynn. Ça sonne deux coups, et une voix grave répond. C'est le frère de Jo-Lynn.

— Maryon, c'est Jasmine, est-ce que Jo-Lynn est là ?
— Tu viens juste de la manquer, Jas, elle vient de partir pour l'école avec Sarah-May.
— OK, merci, bye.

Jasmine ferme son cellulaire, perplexe, puis sort de sa chambre à toute vitesse. Une fois sur son vélo, elle rumine. Pourquoi ne m'a-t-elle pas appelée ? Elle aurait dû, je suis sa meilleure amie !
Voilà, c'est ce qui est sortie de moi, aujourd'hui. Un début d'histoire pour adolescent.
Merci de me lire.
Annie xxx...

jeudi 27 mai 2010

Émotion, émotion, émotion...

Bon, là, je sais que 95 % de mon récit est raconté du point de vue d'Adeline. Donc, la voix qui s'est glissée sous ma plume est celle de ce personnage. Ce détail classé, je peux maintenant passer à une autre étape de ma réécriture. Depuis deux jours, je relis mon histoire, scène par scène, en me demandant si les émotions que mes personnages expriment sont vraiment les bonnes. Je scrute à la loupe chacune de leur conscience, je ralentis mon rythme et le temps se ralentit, et j'écoute ce qu'ils ont à me dire, je me glisse dans leur peau et je ressens... Jusqu'à maintenant, ça va assez bien. C'est une sorte d'immersion dans le monde émotionnel. Avant, je dois l'avouer, j'étais définitivement trop à l'extérieur de mes personnages. Je voulais suivre la consigne : « Show, don't tell », mais je l'ai appliquée « genre » à l'extrême... Ce qui a créé un texte plutôt descriptif et « une forme de glacis autour de mes personnages », pour emprunter les termes de Léïla Haddad, conseillère littéraire à La fabrique du livre, une dame à qui j'ai demandé conseil pour m'aider dans ma réécriture.

Je vous tiens au courant pour la suite.

Merci d'être là et de me lire, c'est vraiment gentil.

Annie xxx...

mardi 25 mai 2010

Le travail de mon inconscient

J'ai beaucoup relu mon texte, et je dois l'admettre, 95 % de mon histoire est racontée du point de vue d'Adeline. Je suis pratiquement toujours dans sa tête. Je ne le voyais pas avant! Je croyais que mon narrateur était omniscient. Et ça m'a fait réfléchir sur le genre d'écrivaine que je suis ou plutôt sur celle que je ne suis pas.

Je ne suis pas celle qui planifie et organise une histoire d'avance.
Je ne suis pas celle qui connaît tous ses personnages comme sa poche quand elle commence à écrire une histoire.
Je ne suis pas celle qui réfléchit trop en partant.
Je ne suis pas vraiment structurée dans ma démarche d'écriture.
Je ne suis pas celle qui sait où elle s'en va avec son histoire.

Devant moi, c'est toujours l'inconnu!

Je suis une écrivaine qui doit apprendre à travailler avec son inconscient. Un inconscient chargé! Imaginez un immense réservoir hydro-électrique avec un barrage muni de vannes. C'est moi! Mes différents corps (physique, émotionnel, mental) représentent le barrage, et l'eau, la substance créative de mon inconscient. Si l'eau s'accumule trop, une tension s'opère alors sur le barrage : il pourrait craquer et se briser. Si je contrôle trop ma créativité pour XYZ raisons, une tension s'opère sur mes corps intérieurs : je perds le goût de vivre (émotionnel), je tombe extrêmement fatiguée et plusieurs malaises physiques apparaissent (physique) et mes pensées s'activent dans tous les sens (mental). Donc, vous comprenez qu'il m'est vital d'ouvrir les vannes.

Mais une fois cette action faite, je dois apprendre à me relire et à voir ce que mon inconscient m'a fait écrire. D'où la démarche que j'entreprends depuis quelques années à lire plusieurs livres sur l'écriture, à m'inscrire à des ateliers, à suivre des cours à l'UQTR en littérature puis même à donner des ateliers d'écriture. Ne dit-on pas qu'on enseigne le mieux ce qu'on a le plus à apprendre ?

Alors, mon roman, La brûlure d'Adeline, est écrit en « il » avec le point de vue d'Adeline. La voix que j'utilise pour raconter mon histoire est celle de ce personnage. Encore là, c'est la voix que mon inconscient a jetée sur la feuille et dont j'ai pris conscience par la suite. Rien n'était planifié! Ou plutôt, ça l'était, mais pas par mon esprit conscient et contrôlant, mais par une autre partie de moi qui connaît déjà tout de l'histoire que je suis en train d'écrire! C'est la partie spirituelle de mon être (l'âme si vous voulez ou l'écrivain intérieur) qui communique avec mon conscient par mon inconscient.

En fait, mon inconscient me fait penser à un cheval pur-sang. Vous savez, celui qui est enfermé dans son box, juste avant le départ d'une course. Fougueux et impatient, l'animal n'en peut plus d'attendre que la porte s'ouvre pour galoper dans le sable et libérer cette énergie qui fourmille dans ses pattes. Écrire, écrire et écrire encore...

Merci d'être là et de me lire.

Annie :0) xxx...

mardi 18 mai 2010

La fuite...


Bon, là, j'ai un surplus de créativité. Ça pousse en dedans pour sortir, c'est le chaos, le bordel !! Je dois respirer... Il faut que j'ouvre les vannes !

Dans ces moments-là, c'est toujours la première phrase qui est la plus difficile à écrire. Car je peux écrire sur n'importe quoi. Laquelle choisir ? Bon, je m'arrête trente secondes pour entrer à l'intérieur de moi et voir, entendre ce qui est là... (À tantôt)

(...)

« Malinou court à toutes pattes, elle s'enfuit. Derrière, un ogre à l'odeur de soufre, terrifiant, dégoulinant, visqueux... Chacun de ses pas géants résonne jusque dans son vieux coeur de grand-mère lapine. Il veut la manger ! Non, non ! Ce n'est pas encore le temps...
De hautes herbes et des marguerites s'étendent à perte de vue devant elle. Malinou a du mal à s'y faufiler. Elle n'a qu'un but : rejoindre l'entrée de la forêt magique le plus vite possible. Là, l'ogre ne pourra pas entrer. Là, elle sera protégée.
L'odeur de soufre s'approche de plus en plus, et ses pattes sont fatiguées. La vieille lapine qu'elle est n'est plus habituée de courir aussi longtemps. Voilà des heures qu'elle a quitté la Valée des Roches noires. Elle devait s'y rendre pour cueillir un pétale de Salinuël, une plante rare, mais extrêmement efficace contre la Grinou, cette maladie mortelle qui ronge les entrailles de sa petite fille-lapine, Rondinel. Mais en chemin, cet ogre l'a vue et s'est mis à la pourchasser.
Voilà le rocher des tortues, c'est encourageant. Elle se force et bondit de plus en plus vite. Elle bifurque à gauche du saule pleureur. Encore quelques minutes, et elle sera arrivée.
— Groow ! Roawww ! Lapinnnn...
L'haleine pestilentielle de l'ogre souffle sur le poil de sa tête. Il n'est plus qu'à deux pas derrière elle. Elle doit réussir, pour Jaja, Milito et surtout Rondinel.
— Grrrraw...
Elle sent sa grosse main effleurer son poil, il a failli l'attraper. NON... Elle voit enfin le trou, petite ouverture dissimulée sous une roche et un buisson sauvage. Ah ! Cette chère entrée ! Pourvu que je m'y engouffre ! Je suis à bout de souffle et si épuisée !
Elle ralentit malgré elle, ses pattes ne répondent plus, son coeur s'affole. NOOON ! Une main brusque l'agrippe soudainement par le collet et la soulève de terre. Malinou voit deux gros yeux globuleux qui la dévorent. Une tête chauve avec dessus, une colonie de Grassim, insectes minuscules ressemblant à des colimaçons munis de petites ailes. Signe que la putréfaction de cet ogre est avancée, que sa métamorphose approche. Une langue, très longue, toute blanche et craquée, sort de sa bouche. Un vent chaud et puant souffle sur son museau. Elle grimace et voit dans cette bouche béante de grosses dents pourries, jaunes et noires, prêtes à mordre dans sa chair de vieille lapine. Elle frissonne d'horreur. Son corps usé va-t-il se retrouver dans ce ventre de monstre ? Non... Il faut qu'elle s'en sorte !
Rohim, supplie-t-elle, vient à mon secours !
Un « POC » retentit tout à coup, et l'ogre s'affale de tout son long sur l'herbe. Malinou s'échappe en bondissant vers le trou. Une fois à l'intérieur, elle se retourne et jette un oeil vers le ciel. Rohim, l'aigle céleste, plane bien haut. Il lui fait un signe de tête puis disparaît. Elle observe l'ogre toujours inconscient. Une gigantesque roche rouge se trouve à ses côtés. La roche de Rahim...
Merci !
Elle boit ensuite une goutte de son jus d'oignon bleue puis la force revient dans ses pattes. Elle se remet à courir pour sauver la vie de Rondinel... »


Voilà ce qui est sorti aujourd'hui ! J'adore faire ce travail de ventilation, je respire toujours mieux après. Je me sens bien. J'aime entrer en contact avec ma créativité. C'est comme si j'étais Alice qui tombe au Pays des Merveilles. Un univers s'ouvre devant moi. J'y découvre toutes sortes de belles choses. C'est vraiment plaisant ! Je suis heureuse de pouvoir jouir de cette créativité à ma guise. Avant, je la contrôlais inconsciemment, ce qui m'a rendue malade... Puis j'ai entrepris une démarche qui m'a permis de me retrouver, de réaliser qui je suis réellement. Je suis indéniablement une écrivaine dans l'âme. C'est ancré au plus profond de mon être. Je porte cette grande créativité littéraire depuis ma tendre enfance. C'est à moi, maintenant de l'orienter dans une direction précise et de l'utiliser de façon constructive et pour le bien de tous !!

Merci de me lire.

Annie xxx...

dimanche 16 mai 2010

Le style littéraire de l'écrivain


Comment un écrivain développe-t-il son propre style ? Le savez-vous ?

Allez, allez, forcez-vous un peu. Trouvez-moi une réponse. Ah ! Oui ! Je vous entends là, merci. « En écrivant. », me dites-vous. Pas bête. Et encore ? « En lisant. » Oui, c'est assez logique. Mais pour quelle raison spécifique devrais-je lire ? « Pour reconnaître et apprendre les différents styles des auteurs. » Dans quel but ? « Pour les imiter... » Les imiter ? Hein ! Il faut m'expliquer, là. Dites-moi en quoi le fait d'imiter le style d'un écrivain m'aide à développer mon propre style ? « ??? » Ah ! Je vous ai eu, là, hein ? Vous ne savez plus quoi répondre. Sachez que moi non plus... On est tous les deux dans le même bateau !

Allons-y avec des suppositions.

Je crois que pour développer son propre style, il faut commencer par imiter les auteurs que nous aimons le plus lire, ceux dont le style nous fait vibrer. Si, en lisant leurs phrases, on ressent du plaisir ou une certaine satisfaction intérieure, c'est la preuve qu'on se retrouve dans ce style. On pourrait alors rechercher précisément en quoi ce style nous plaît tant. Est-ce le vocabulaire de l'auteur, la manière dont ses phrases s'enchaînent, la structure de celles-ci, les figures de style utilisées, etc. ? Une fois la ou les raisons trouvées, on pourrait écrire un court texte semblable à ce que l'auteur a écrit, pour apprendre à ressentir l'effet créé. Viendrait ensuite la question : « Comment pourrais-je appliquer le style de ce passage dans mes propres écrits ? » En l'essayant, en analysant, en l'expérimentant...

C'est inévitablement en écrivant qu'on arrive à développer notre propre style, car plus on écrit, plus on devient familier avec notre langue.

Qu'est-ce au juste que le style littéraire d'un écrivain ?

Voici des réponses intéressantes :

Gustave Flaubert disait : « Le style est autant sous les mots que dans les mots. C'est autant l'âme que la chair d'une oeuvre. »

Dans le logiciel J'écris un roman, on dit : « Le Style désigne la manière dont un écrivain met en oeuvre la langue; sa langue. Le choix des mots, le rythme des phrases, leur longueur, tout est affaire de style. Nous avons tous une manière de parler, nous avons tous une manière d'écrire. Écrivez selon votre sensibilité. Utilisez votre propre langue. Ne cherchez pas à aller contre votre nature. Soyez sincère et honnête envers vous-même. »

E. Legrand, dans son livre Stylistique Française, livre du maître, distingue le style scientifique du style littéraire. « Le premier s'adresse avant tout à la raison. Il a pour qualités nécessaires et suffisantes la clarté et la précision. Le second s'adresse en outre à l'imagination et au sentiment musical. À la clarté et à la précision, il joint la couleur et l'harmonie, ses deux qualités distinctives. Il offre à l'imagination une galerie de peintures et à l'oreille “un heureux choix de mots harmonieux” »

Wow ! Je ne suis pas encore rendue là, je n'ai publié qu'un seul roman ! Je ressens toutefois le besoin de me pencher davantage sur la question du style. Comme si je répondais à un appel provenant de mon être, de l'écrivain intérieur, celui qui vit en moi...
Une dernière question. Est-ce le style littéraire d'un écrivain qui fait vendre ses livres ou bien est-ce son histoire ? Hououou ! La question à 100 $ ! Le savez-vous ? Non, non, vous n'avez pas à me répondre tout de suite. Pensez-y et je vous reviendrai plus tard, dans un autre article entièrement consacré à ce sujet.

Je vous quitte avec cette dernière phrase écrite par Gaëtan Brulotte dans son livre La chambre des lucidités : « Il reste que la meilleure façon de respecter et d'aimer le lecteur potentiel, c'est de travailler le style et de proposer une oeuvre la plus élégante qui soit. »

Voilà.

Merci d'être là et de me lire.

Annie xxx...

jeudi 13 mai 2010

Proposition d'écriture du mois de mai

J'ai publié un nouvel exercice sur ma page Propositions d'écriture. Je vous invite chaleureusement à y jeter un coup d'oeil, et même à oser l'essayer.

Vive l'aventurier, l'audacieux!

Plongez, écrivez, laissez-vous aller, ouvrez les vannes. Que les mots et les phrases jaillissent hors de vous. Touchez le coeur de votre créativité, immergez-vous dans votre réservoir intérieur et voyez, sentez, vivez. La vie est en vous, la vie créative.

Joyeuses découvertes!

Annie xxx...

C'est fait !!!!


J'ai enfin terminé cette longue réécriture où je devais, comme je vous l'ai déjà mentionné dans un billet précédent, couper les détails inutiles, les scories et tout ce qui ne servait pas à mon histoire. Voilà ! C'est fait ! Je suis assez contente de mon travail.

Maintenant, je peux commencer la nouvelle réécriture, celle où je porte mon attention sur les points de vue à travers lesquels l'action est perçue. Parfois, le narrateur est à l'extérieur d'Adeline, mais souvent, il est dans sa tête. Dans ce travail, je veux être consciente du passage entre ces deux points de vue. Quels sont les moments dans l'histoire où c'est plus important de raconter ce qui arrive avec le point de vue d'Adeline ? Et quels sont ceux où il faut le faire avec le point de vue du narrateur externe ? C'est ce que je verrai dans les prochains jours...

Je vous tiens au courant.

Merci d'être là et de me lire.

Annie xxx

mardi 11 mai 2010

La voix, c'est tout


Aujourd'hui, j'ai envie de vous parler d'un sujet palpitant : « la voix du personnage ». Puisque je suis une auteure débutante, je ne maîtrise pas encore cet art (parce qu'il s'agit bien, à mon avis, d'un art!). Par contre, comme lectrice expérimentée, j'ai des attentes passablement élevées en ce qui a trait à la voix des personnages, et je sais ce qui me plaît dans un roman.

D'abord, qu'est-ce que la voix du personnage? Est-ce son style, son tempérament, son caractère, sa vision du monde, ses valeurs? Moi, je dirais : toutes ses réponses. C'est ce qui fait qu'il devient vivant, qu'il se transforme en entité réelle. Plus notre protagoniste a sa voix propre et définie, plus il est attachant. On le veut comme ami, comme amant, comme frère. On est prêt à le suivre n'importe où, peu importe la tournure des événements! Ou bien on le déteste tellement qu'on se surprend à le haïr, même quand le livre est fermé! Si de tels personnages nous restent dans la tête tout au long de la journée, c'est que leur voix est forte et bien présente. Pensons à Jamie Fraser et John Randall dans le Chardon et le Tartan. Autant on aime le premier, autant on exècre le second! Et que serait Twillight sans Edward? Est-ce que la saga aurait touché des millions de lectrices si le vampire avait été un petit maladroit boutonneux et sans charme? Absolument pas! Je suis convaincue que l'histoire existe grâce au héros et non l'inverse.

Il y a sûrement des romans auxquels vous avez accroché plus que d'habitude. Pourquoi ces récits vous ont-ils à ce point plu? Parce que vous avez probablement développé une passion pour le héros! Vous l'avez vraiment ressenti, et, à la dernière page, vous l'avez laissé partir avec un pincement au coeur (et peut-être même une larme!). C'est comme si vous perdiez un ami!

Parfois, un personnage nous paraît plat et sans relief. Il s'exprime d'un ton monocorde, et on discerne mal l'état d'esprit dans lequel il se trouve. C'est simplement parce qu'il manque de voix.

Les personnages devraient toujours se distinguer les uns des autres dans les dialogues par leur façon de communiquer, de se déplacer et de penser.

Aussi, la réplique ne vient pas de l'auteur, mais bien du protagoniste. Elle doit respecter l'individualité de celui-ci et refléter sa manière d'être.

Trouver la voix du héros dès le départ facilite grandement le travail d'écriture. On doit l'entendre comme s'il était en face de nous, aussi clairement que l'on entend notre mari ou nos enfants. Lors du premier jet de mon roman d'aventure jeunesse, Les Aventuriers du temps (titre provisoire), je ne connaissais pas cette technique. Mes trois personnages principaux ont trouvé leur « voix » en cours de route. Durant ma réécriture, j'ai eu à m'ajuster et à modifier mes dialogues puisque certaines répliques ne leur convenaient plus du tout.

Plusieurs trucs s'offrent à nous pour nous aider à saisir notre héros. Chaque auteur a sa façon de procéder. En voici quelques-unes :

1. DRESSER UNE LISTE DE QUESTIONS auxquelles notre personnage répond.

Historique : Quelle sorte d'enfance as-tu eue? As-tu des frères et soeurs? Es-tu allé au collège? Es-tu marié? Etc.

Personnalité : Quelles sont tes qualités? Tes défauts? As-tu des petites manies? Quels sont tes rêves? As-tu peur des araignées? Si oui, pourquoi? Etc.

Goûts et intérêts : Quel est ton sport préféré? Qui est ton meilleur ami? Quelle marque de voiture possèdes-tu? As-tu un chien? Etc.

Plus la liste sera longue, mieux on cernera son identité. Tous ces détails n'ont absolument pas besoin de se retrouver dans notre roman. Ce sont des indices pour nous aider à le connaître et à le ressentir.

2. LE JOURNAL INTIME. Notre héros décrit sa journée comme s'il se confiait à son journal. Dans le même ordre d'idée, il peut aussi écrire une lettre à son meilleur ami.

3. PHOTO DU PERSONNAGE. Pour ma part, j'aime bien « voir » mon personnage. Donc, pour chacun, je trouve, sur Internet ou dans un magazine, une photo de ce à quoi je veux qu'il ressemble. Cela m'aide à visualiser ses expressions faciales, ses mimiques, sa façon de bouger et de réagir.

4. SAC À MAIN. On peut aussi regarder ce qu'il y a dans son sac à main, dans son sac d'écoles, dans son casier ou sur le plancher de sa voiture!

5. FAITES PARLER LE PERSONNAGE. Demandez-lui de nommer cinq événements les plus importants de sa vie. Poussez-le à avouer son plus grand secret. Faites-le parler des autres.

Finalement, une bonne façon de s'assurer que notre personnage est « à point » consiste à lire ses répliques à haute voix. Est-ce qu'on le reconnaît dans les dialogues? Est-il cohérent tout au long du récit? Si on demandait à un ami (après sa lecture de notre manuscrit) de nous décrire la personnalité de notre héros, en serait-il capable?

« La voix est la raison pour laquelle les gens prennent un livre. Ils vont pardonner beaucoup de choses, mais ils ne pardonneront pas une voix qu'ils n'aiment pas. » — Laura Dave

Bonne création!

Isabelle

samedi 8 mai 2010

Relation personnages/auteur


Sur la photo ci-jointe, il y a mon fils, Rafaël, âgé de 15 ans, et son chat, Kypoo. Depuis que Kypoo est à la maison, une belle complicité s'est établie entre eux, un beau lien d'amour basé sur le respect et l'écoute. Et cela m'a fait me questionner sur les liens que développe un écrivain avec ses personnages. Moi, par exemple. Suis-je une écrivaine qui contrôle ou suis-je celle qui laisse agir, parler et penser mes personnages comme ils le désirent, qui les respecte et les écoute ?

Je l'avoue, lors de l'écriture du premier jet d'Adeline, porteuse de l'améthyste, j'avais une idée en tête : je voulais que mon personnage principal en arrive à adhérer à certaines valeurs, celles qui m'étaient chères à mon coeur. Je l'ai donc forcé, sans m'en rendre compte, à agir en accord avec mes convictions. Mais en cours de réécriture, j'ai vite compris qu'Adeline, quoiqu’elle puisse avoir certains de mes traits, était une personne bien différente de moi. Elle est très rationnelle, alors que je suis très intuitive. Elle est pratico-pratique, alors que je suis rêveuse. Elle est très attachée à sa relation avec Jacob, je le suis aussi avec Pierre, mon conjoint, mais pas au point d'en avoir mal au ventre comme elle... (C'est ce qui arrive entre autres dans La brûlure d'Adeline) C'est ce qui nous diffère. Elle voit sa relation avec Jacob comme une jeune femme de 18 ans la voit, tandis que moi je perçois la mienne comme une femme de 42 ans. Nous ne partageons pas le même point de vue.

Elle n'est pas moi, et je la respecte. Je respecte qui elle est, et je la laisse être. C'est ça, l'amour, non ? Accorder tout l'espace à autrui pour lui permettre d'être au meilleur de lui-même. Et surtout, ne pas le juger. Qui suis-je pour imposer mes visions à mes personnages ? Certains répondront : « Tu es l'auteure, tu as tous les droits ! » Oui, je suis bien d'accord. Mais je préfère plutôt être témoin de leur évolution et de leur changement, qui devraient toujours se faire en accord avec leurs valeurs et leur nature profonde.

Martha Engber, dans son livre Growing Great Characters From the Ground Up, explique que la libre volonté accordée aux personnages est ce qui les rend imprévisibles, donc intéressants, excitants et bien vivants. Plus loin, elle ajoute que le personnage, lorsque nous lui permettons d'agir en accord avec sa nature, s'engage dans une chaîne d'actions crédibles, qui conduit inévitablement vers un conflit crédible, plus connu sous le nom d'intrigue. Ici, l'intrigue est basée sur le personnage et ses conflits.

Pour en arriver à bien connaître son personnage et ses conflits, il faut d'abord le développer. Le temps de le faire dépend de chaque écrivain. Certains le font avant l'écriture du premier jet, comme Elizabeth Georges nous l'explique dans son livre Mes secrets d'écrivain Écrire un roman, ça s'apprend !. D'autres, tel Stephen King, le font en cours d'écriture du premier jet et durant les nombreuses réécritures. Tôt ou tard, il faut y réfléchir, car le personnage est le coeur et l'Âme de votre intrigue.

Quant à moi, le développement d'Adeline s'est fait durant les nombreuses réécritures. Par des interviews, des dialogues internes avec elle et par plusieurs autres techniques, j'ai pu mieux la connaître et établir avec elle une relation basée sur le respect et sur l'amour, à l'image de celle que Rafaël entretient avec son chat Kypoo.

Merci d'être là et de me lire.
Annie xxx...

mercredi 5 mai 2010

Un coup de téléphone...


Ce matin, j'ouvre les vannes, et voici ce qui sort :


— Marc! Tu te grouilles? On part dans une demi-heure...
Agacée, Jo-Ann fait une moue, penchée devant le miroir de la salle de bains de leur immense condo. Elle termine de se maquiller. Une touche de mascara puis un peu de rouge à lèvres.
Un silence plane dans la chambre d'à côté, ce n'est pas normal. Elle se redresse et jette un oeil par la porte.
— Marc? lance-t-elle d'une voix inquiète.
Aucune réponse. Elle sort. Personne dans la chambre.
— Marc!
Elle inspecte chaque pièce du condo. Vide. Peut-être est-il parti acheter du vin? Ils avaient prévu le faire en route vers la maison familiale.

Pourvu qu'il ne lui arrive rien et qu'il revienne à l'heure. Il n'a même pas pris sa douche encore. Que va penser mon père? Lui qui est si à cheval sur la ponctualité! Comme Marc n'a pas trop le profil de l'emploi pour le petit ami de sa chère fille chérie, il faut au moins qu'on arrive à l'heure, et propre! Le retraité de l'armée sera peut-être moins sévère avec lui. En tout cas, je l'espère...
Il devrait au moins le savoir, l'habit ne fait pas le moine, en ce qui concerne mes petits amis. Les hommes que j'ai fréquentés, avant Marc, avaient tous une apparence impeccable et une belle façon en public, mais quand j'étais seule avec eux, c'était une autre paire de manches. Ils ne pensaient qu'à la satisfaction de leurs précieux besoins. Je ne les intéressais que parce que j'avais un beau petit cul et un corps bien roulé. Pour le reste, bah... Tandis que Marc et moi aimons les mêmes choses, partageons les mêmes passions. Il m'aime pour ce que je suis, pas juste pour mon corps, mais pour tout le reste : mes émotions, mes pensées, mes aspirations. En plus, on fait le même métier : architecte.

Pendant qu'elle continue à jongler avec ses pensées, elle revient dans sa chambre et enfile son pantalon et ses chaussures, nourrit ensuite le chat puis active le répondeur. À peine s'éloigne-t-elle de l'appareil que le téléphone se met à vibrer. Elle répond aussitôt.
— Oui, bonjour.
— Est-ce que je parle à Jo-Ann De Parrier?
— C'est moi-même.
— Ici, l'agent Luc Gingras de la brigade des stupéfiants. Mon collègue et moi venons d'arrêter Marc Laflèche pour vente illégale de Marijuana à des mineurs... C'est votre conjoint, n'est-ce pas?
— Oui, oui. Mais... C'est impossible! Vous vous êtes sûrement trompé de personne! Des Marc Laflèche, il en existe plusieurs en ville.
— Combien ont votre numéro de téléphone, madame?
Non, non, non! Ce doit être une mauvaise blague. Marc aime lui jouer ce genre de tour.
— Romain, est-ce toi? demande-t-elle d'une voix nerveuse. C'est Marc, hein? Il t'a dit de m'appeler, hein ?
— Excusez-moi, Madame De Parrier, fait la grosse voix rauque à l'autre bout du fil. Je ne vois pas de quoi vous parlez. Serait-il possible de venir au poste du centre-ville? Nous aimerions vous poser quelques questions.
Et le souper avec mon père? Comment va-t-il réagir en apprenant la nouvelle? Elle n'ose même pas y penser...
— D'accord, j'arrive tout de suite.
Elle raccroche brutalement le téléphone, puis le décroche à nouveau. Elle signale le numéro qu'elle a fait si souvent pour parler avec sa mère pendant que son père combattait vaillamment au Moyen-Orient. Une voix bourrue répond.
— Papa, on a un empêchement, on ne pourra pas être là. Je suis désolée. Je dois partir, j'ai un problème à régler. Je t'en reparle plus tard. Embrasse maman pour moi, OK?
Puis après l'avoir salué sèchement, elle prend ses clés.
Vendre de la drogue à des mineurs!
Elle voit mal son petit ami glisser des petits sachets à des ados dans des ruelles. Cela ne peut pas être lui.
Elle quitte sur-le-champ son domicile et se rend au poste du centre-ville, avec la ferme intention de mettre au clair cette désagréable méprise.

mardi 4 mai 2010

D'autres nouvelles fraîches de ma réécriture


Il ne me reste plus que 15 pages à réécrire. Je suis super contente de mon travail. Le chapitre que j'entame bientôt va me faire travailler pas mal... Je suis à l'étape de la résolution, ce qui est appelé communément l'acte III, qui suit le climax de mon récit. À cette étape, je sens le besoin de plonger plus creux dans mon histoire pour saisir le ressenti secret d'Adeline et ce qu'elle pense vraiment de tout ce qu'elle a vécu. C'est elle qui doit me le dire. Je veux l'entendre me le raconter... Il ne me reste plus qu'à l'interviewer et à la laisser me répondre avec ses mots, ses émotions, ses pensées.

Ces jours-ci, je me couche avec mon histoire en tête et je me lève avec elle. Puis elle me suit toute la journée. Je veux tellement ne pas manquer ma fin ! Qu'est-ce que cette foutue histoire raconte au juste ? De quoi il est vraiment question ? D'attachement ? Rép. : oui. De souffrance ? Rép. : oui. D'amour ? Rép. : oui. De conviction intérieure ? Rép. : oui. De guérison ? Rép. : oui. D'amitié ? Rép. : oui. D'entraide ? Rép. : oui.

En fait, mon histoire touche à plusieurs thèmes. Mais les principaux sont l'attachement et la peur de perdre...

Voilà.

Je vous tiens au courant de la suite.
Merci d'être là et de me lire.
Annie xxx...

samedi 1 mai 2010

L'enfant aux lèvres bleues


Sous le libellé : « PORTIONS D'IMAGINAIRE », je laisse libre cours à ma créativité littéraire. J'ouvre les vannes et j'écris ce qui vient, ce que j'entends, ce que je vois, ce que je goûte, ce que je ressens et ce que je sens, moi, dans la peau de ces femmes, de ces hommes, de ces enfants, d'une grand-mère et de bien d'autres personnages. Je me laisse porter par les mots et les phrases et par ce qui veut jaillir hors de moi.
Prenez note que ce ne sont que des premiers jets et non des textes retravaillés et peaufinés. Alors, il y a place à la faille, à l'incohérence, à l'erreur...

C'est parti !

« Marie tenait l'enfant ruisselant dans ses bras. Ses yeux étaient clos et ses lèvres atrocement bleues: il ne bougeait plus. Paniquée, elle tourna la tête derrière elle. Des cabanons rouge, jaune et orange s'érigeaient, plus loin, telle une forteresse. Tous vides. Plus personne, à part ce gamin qu'elle avait trouvé gisant sur le sable, face contre terre. Marie avait l'impression que le camp de vacance avait été soudainement évacué. Elle n'aimait pas ce qu'elle ressentait, comme si un drame avait eu lieu.
Elle regarda de nouveau l'enfant. Il avait une énorme bosse bleue et rouge sur le front. Elle devait faire quelque chose pour lui. Son coeur se mit à battre très fort dans sa poitrine, la peur... Et si... Vite, elle le déposa sur l'herbe chaude. En glissant une main sous sa nuque, elle fronça les sourcils. Pourvu qu'il ne soit pas trop tard... Elle fit un rapide retour sur les étapes de la respiration artificielle, qu'elle avait récemment apprises, puis s'activa. Sa bouche goûtait les algues, elle eut un haut-le-coeur. Pendant plusieurs minutes, elle tenta de sauver la vie de cet enfant abandonné. Puis, comprenant qu'il n'y avait plus rien à faire, elle baissa les bras.
— Pourquoi ? s'écria-t-elle, désespérée.
Un terrible sentiment de vide l'étreignit, et elle fixa la mer. L'horizon. Des nuages gris approchaient. Le vent se leva. Elle frissonna, reprit le petit dans ses bras et décida de signaler son décès aux autorités. »

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