mercredi 5 mai 2010

Un coup de téléphone...


Ce matin, j'ouvre les vannes, et voici ce qui sort :


— Marc! Tu te grouilles? On part dans une demi-heure...
Agacée, Jo-Ann fait une moue, penchée devant le miroir de la salle de bains de leur immense condo. Elle termine de se maquiller. Une touche de mascara puis un peu de rouge à lèvres.
Un silence plane dans la chambre d'à côté, ce n'est pas normal. Elle se redresse et jette un oeil par la porte.
— Marc? lance-t-elle d'une voix inquiète.
Aucune réponse. Elle sort. Personne dans la chambre.
— Marc!
Elle inspecte chaque pièce du condo. Vide. Peut-être est-il parti acheter du vin? Ils avaient prévu le faire en route vers la maison familiale.

Pourvu qu'il ne lui arrive rien et qu'il revienne à l'heure. Il n'a même pas pris sa douche encore. Que va penser mon père? Lui qui est si à cheval sur la ponctualité! Comme Marc n'a pas trop le profil de l'emploi pour le petit ami de sa chère fille chérie, il faut au moins qu'on arrive à l'heure, et propre! Le retraité de l'armée sera peut-être moins sévère avec lui. En tout cas, je l'espère...
Il devrait au moins le savoir, l'habit ne fait pas le moine, en ce qui concerne mes petits amis. Les hommes que j'ai fréquentés, avant Marc, avaient tous une apparence impeccable et une belle façon en public, mais quand j'étais seule avec eux, c'était une autre paire de manches. Ils ne pensaient qu'à la satisfaction de leurs précieux besoins. Je ne les intéressais que parce que j'avais un beau petit cul et un corps bien roulé. Pour le reste, bah... Tandis que Marc et moi aimons les mêmes choses, partageons les mêmes passions. Il m'aime pour ce que je suis, pas juste pour mon corps, mais pour tout le reste : mes émotions, mes pensées, mes aspirations. En plus, on fait le même métier : architecte.

Pendant qu'elle continue à jongler avec ses pensées, elle revient dans sa chambre et enfile son pantalon et ses chaussures, nourrit ensuite le chat puis active le répondeur. À peine s'éloigne-t-elle de l'appareil que le téléphone se met à vibrer. Elle répond aussitôt.
— Oui, bonjour.
— Est-ce que je parle à Jo-Ann De Parrier?
— C'est moi-même.
— Ici, l'agent Luc Gingras de la brigade des stupéfiants. Mon collègue et moi venons d'arrêter Marc Laflèche pour vente illégale de Marijuana à des mineurs... C'est votre conjoint, n'est-ce pas?
— Oui, oui. Mais... C'est impossible! Vous vous êtes sûrement trompé de personne! Des Marc Laflèche, il en existe plusieurs en ville.
— Combien ont votre numéro de téléphone, madame?
Non, non, non! Ce doit être une mauvaise blague. Marc aime lui jouer ce genre de tour.
— Romain, est-ce toi? demande-t-elle d'une voix nerveuse. C'est Marc, hein? Il t'a dit de m'appeler, hein ?
— Excusez-moi, Madame De Parrier, fait la grosse voix rauque à l'autre bout du fil. Je ne vois pas de quoi vous parlez. Serait-il possible de venir au poste du centre-ville? Nous aimerions vous poser quelques questions.
Et le souper avec mon père? Comment va-t-il réagir en apprenant la nouvelle? Elle n'ose même pas y penser...
— D'accord, j'arrive tout de suite.
Elle raccroche brutalement le téléphone, puis le décroche à nouveau. Elle signale le numéro qu'elle a fait si souvent pour parler avec sa mère pendant que son père combattait vaillamment au Moyen-Orient. Une voix bourrue répond.
— Papa, on a un empêchement, on ne pourra pas être là. Je suis désolée. Je dois partir, j'ai un problème à régler. Je t'en reparle plus tard. Embrasse maman pour moi, OK?
Puis après l'avoir salué sèchement, elle prend ses clés.
Vendre de la drogue à des mineurs!
Elle voit mal son petit ami glisser des petits sachets à des ados dans des ruelles. Cela ne peut pas être lui.
Elle quitte sur-le-champ son domicile et se rend au poste du centre-ville, avec la ferme intention de mettre au clair cette désagréable méprise.

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