J'ai envie de vous parler des points de vue (PDV) narratifs.
Savez-vous ce que c'est ? Il en existe plusieurs. Les voici.
1) PDV à la première personne : c'est quand l'histoire est racontée au « Je », c'est-à-dire quand le narrateur de l'histoire est un personnage (principal ou secondaire) de l'histoire.
2) PDV à la troisième personne : c'est quand l'histoire est racontée au « Il », c'est-à-dire par un narrateur extérieur à l'histoire. Dans cette catégorie, il existe quatre sous catégories. Les voici.
a) Narrateur omniscient : il est partout, sachant tout de tout, plongeant dans la conscience de tous ses personnages, connaissant leur passé, leur futur, comme un Dieu Tout Puissant !
b) Narrateur omniscient limité : jouissant des qualités du narrateur omniscient, celui-ci, par contre, n'entre dans la conscience que d'un ou deux personnages, comme dans les histoires d'amour (le héros et l'héroïne).
c) Narrateur subjectif fixe : ce narrateur raconte l'histoire du point de vue de son personnage principal comme celui à la première personne. En fait, si vous prenez un récit narré au « Je » et que vous le transposez au « Il », vous obtenez une narration subjective fixe. Dans cette sous catégorie, il existe deux options : narrateur subjectif fixe et narrateur subjectif multiple. Dans ce dernier, habituellement chaque chapitre du livre est raconté du point de vue d'un personnage différent, comme dans les livres d'Élizabeth Georges ou de John Le Carré.
d) Narrateur objectif : ce narrateur n'entre JAMAIS dans la conscience des personnages, il est totalement à l'extérieur de l'histoire, il ne décrit que ce qu'il voit et entend : les gestes, les mimiques et les paroles des personnages, les décors avec leurs couleurs, leurs senteurs et leurs bruits... Il peut connaître l'avenir et le passé des personnages, mais « en aucun moment il ne révèle leurs pensées et leurs sentiments, leur attitude, leurs préoccupations, leurs obsessions, leurs désirs ou leurs projets. Tout ce qui participe du fonctionnement interne des personnages est résolument exclu de la narration (...) Ce narrateur écrit d'une manière journalistique, comme un reporteur. » Mes secrets d'écrivain d'Élizabeth Georges.
Maintenant, laissez-moi vous illustrer chacun de ces PDV avec la situation suivante.
Une femme, qu'on va appeler Murielle, apprend par un policier venu cogner à sa porte que son mari François et sa fille ainée Joudie sont morts dans un accident de voiture. L'action se déroule dans la matinée, sous un soleil radieux, en plein coeur d'un été chaud. Dans la maison, il y a la vieille chienne Alice qui dort dans le salon à côté du petit Marcus, âgé de six ans, qui joue avec ses Légos.
1) PDV à la première personne :
Bon, tout est prêt. Les valises, le chien, la maison, les poubelles, les plantes... Je n'ai rien oublié, là. Je fouille nerveusement dans mes poches. Voyons, où est-ce que je l'ai mise ? Puis je la vois, sur le comptoir, ma liste. Je la prends et la scrute. Non, tout est coché ! Hoooo ! Je suis toute énervée ! J'ai tellement hâte de partir ! Enfin, la mer ! La mer... Depuis le temps que j'en rêve. Y être en famille ! J'espère que François et Joudie vont arriver bientôt. On part dans moins d'une heure. Où est Marcus ?
— Marcus !
— Je suis dans le salon.
J'espère qu'il a commencé à ranger ses jouets. Je lui ai pourtant dit de le faire. Une fois dans le salon, je soupire d'impatience.
— Marcus ! Qu'est-ce que tu fais ?
Je m'accroupis près de lui et de sa montagne de Légos.
— On part bientôt et tu joues encore. Pourquoi ? Tu n'as pas hâte d'aller voir l'océan ?
Sans répondre, mon fils s'applique à la construction d'une tour entièrement rouge ! Des blocs ROUGES... Un frisson me saisit.
— Sers tes choses, mon grand, OK ? Et réveille Alice pour qu'elle soit prête...
Ding Dong !
Ah non ! J'espère que ce n'est pas des colporteurs ou des témoins de Jéhova, je n'ai vraiment pas le temps pour ça. Je vais ouvrir la porte et ouf ! ce n'est pas eux, mais un policier à l'air si grave qu'on dirait qu'il vient de perdre sa femme.
— Madame Dutamoine ?
— Oui, c'est moi.
L'homme me prend la main avec douceur. Mais qu'est-ce qu'il lui prend ? Sa main me glace, je n'aime pas ça. Ses yeux plongent dans mon regard et j'ai peur. Peur des mots qui sortiraient de sa bouche...
— J'ai le regret de vous annoncer, commence-t-il avec une voix si faible que je l'entends à peine.
Et pourtant chaque mot semble hurler dans ma tête, comme si je savais...
—... que votre mari et votre fille ont eu un grave accident de voiture. Vous devriez me suivre.
Je le regarde, ce qu'il n'a pas dit résonne trop fort en moi. Un silence bruyant, comme des marteaux géants frappant sur des murs de taule. Sur mon coeur, mon âme...
Les yeux de l'officier sont trop éloquents...
— Ils sont morts ?
Il baisse la tête, incapable de me répondre.
— Suivez-moi, s'il vous plaît.
Soudain, un froid immense m'envahit, un vide.
— Marcus, que je crie à mon fils. Il faut partir, amène Alice.
On utilise ce PDV pour faire entendre au lecteur une voix, celle du personnage, et pour montrer les émotions de ce dernier, ses pensées, son attitude, ses désirs... On est en plein coeur de la conscience du protagoniste. On est totalement dedans ! C'est le PDV le plus intime, le plus près du personnage. Si le but de l'histoire (et de l'auteur) est de montrer l'évolution d'un personnage dans ses émotions, ses pensées et ses attitudes, le PDV à la 1re personne est à privilégier.
Prenez note que le passage décrit ci-dessus est un premier jet, il n'est pas parfait... Merci de votre indulgence. Il se veut simplement un exemple de ce que c'est qu'une narration à la première personne.
La suite dans les prochains billets.
Merci d'être là et de me lire,
Annie xxx...
Salut! Je suis venue voir ce que ça donnait, ces fameux boutons Facebook, twitter, etc. Je constate qu'ils sont assez discrets, comme tu me l'as dit sur mon blogue, cela n'est pas trop lourd visuellement.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup le «look» de ton blogue, c'est très gai!
C'est à moi de te remercier de prendre la peine d'éclaircir les points de vue narratifs. J'apprécie beaucoup. Merci.
RépondreSupprimerEn théorie, c'est clair et bien défini, mais en pratique, un peu plus compliqué.
RépondreSupprimerVotre exemple au Je est clair aussi. J'ai bien hâte de voir la troisième personne.
Jusqu'à maintenant, je trouve que Katherine Pancol manie très bien les points de vue. Elle peut passer du il au je dans le même paragraphe et on s'y retrouve parfaitement. Et tout ça dans le même ton: que ce soit la narration, le monologue intérieur ou les dialogues, pas de changement de style ou de vocabulaire. Alors qu'au Québec, dans certains ateliers littéraires, on apprend que la narration (donc le narrateur) doit être littéraire et le dialogue (donc également le monologue intérieur) peut être plus familier. Et ça ne me tente pas.
Ce qui est difficile, c'est que le lecteur n'ait pas à se demander "Qui parle?" Tout l'art (et la technique) de l'auteur est là. Il faut que ce soit évident.
J'y travaille fort.
@Grominou : Merci pour tes bons mots. Oui, les couleurs de Roman en chantier sont gaies et ensoleillées, un peu à l'image de notre été. Je te préviens, elles seront sujettes au changement, selon les saisons. J'adore essayer de nouvelles choses ! ;)
RépondreSupprimer@Venise : Tout le plaisir est pour moi.
@ClaudeL : Dans ce métier, pour réussir à publier, il faut de la persévérance, de la patience et beaucoup d'humilité face à son texte, qui, en fait, est un matériau de travail, pouvant continuellement être remanié jusqu'à ce que l'auteur soit complètement satisfait. Alors, Claude, je t'encourage à continuer, à avoir confiance en toi et en ton roman. Tu vas réussir ! :o)