Je suis en train de relire L'Art Pratique de la Créativité de Julia Cameron, paru en 1999 aux Édition du Roseau, et ce livre me fait énormément de bien. Il m'aide à me reconnecter avec ma réalité intérieure. Cette auteure comprend vraiment la nature profonde des artistes, leur monde intérieur, leur énergie créatrice et tout ce qui peut leur arriver lorsqu'ils contrôlent trop cette énergie.
Je suis actuellement rendue au chapitre intitulé Découverte de la notion de perspective, à la section titrée CARTOGRAPHIE. Et ce que je lis me passionne tellement que je ne peux m'empêcher de le partager avec vous.
Voici donc ce que Julia nous raconte : (p. 99-100-101)
« Un artiste est un cartographe qui dessine les cartes du monde. Le monde à l'intérieur de lui et le monde tel qu'il le voit. Parfois, le monde représenté est très étrange, ce qui fait que ses cartes sont rejetées. Elles sont considérées comme irréalistes, déformées ou invraisemblables. Magelan navigua avec des cartes dressées en grande partie sur des conjectures. Les artistes jouent toujours avec l'imagination et les conjectures pour ce qui est de la forme des choses qu'ils voient et savent.
Une grande oeuvre d'art est une oeuvre qui réussit à captiver l'imagination d'un vaste public sur un problème autrefois latent. L'ouvrage Les raisins de la colère nous a fait voir les aléas de la crise de 1929. Le film Vol au-dessus d'un nid de coucou a mis en relief les horreurs des institutions psychiatriques de l'Amérique. Toutes les nouvelles sont “nouvelles”, car elles cherchent à nous dire quelque chose de nouveau. Connu ou inconnu, célèbre ou anonyme, tout art cherche à cartographier le territoire du coeur.
Je le répète, nous, les artistes, sommes des cartographes. Nous dessinons à partir de notre propre expérience, nous dessinons notre expérience en croquant le territoire que nous avons exploré et qui sera exploré par d'autres. Les impressions émanant d'un roman ou d'une composition musicale peuvent précéder de loin la cartographie du conscient collectif d'une époque. C'est pour cela que les artistes doivent faire preuve de courage, d'héroïsme même, pour déclarer ce qu'ils voient et entendent.
Au début de sa carrière, Beethoven jouissait d'une grande renommée personnelle et professionnelle. Ses oeuvres étaient écoutées partout et tenues en haute estime. Acclamé comme musicien de grand talent et très créatif, la vie lui souriait et ses horizons s'élargissaient. Mais le temps passant, le sort de Beethoven changea. Aux yeux des gens, ses oeuvres devenaient de moins accessibles, trop abstraites et exigeantes. Alors que ses difficultés avec la perte de l'ouïe accentuèrent son isolement, il plongea dans une éprouvante dépression presque suicidaire. Il était pris entre deux feux, car il sentait l'appel à composer une musique qui venait remettre en question son talent de musicien auprès du public. Il n'aurait pas été intègre avec lui-même s'il était revenu au style de ses compositions précédentes. Il ne semblait plus y avoir aucune audience pour ses oeuvres musicales, à part lui et Dieu. Envisageant le suicide, Beethoven opta de vivre et, dans une lettre qu'il écrivit à Dieu, fit le voeu de continuer à écrire de la musique, quel que fût l'accueil qui lui serait réservé. Il composait de la musique “pour la gloire de Dieu uniquement”. Cette musique, trop moderne et trop évoluée pour son époque, en est venue à être considérée comme un chef-d'oeuvre des siècles plus tard. Visionnaire et chef de file dans le domaine de la pensée musicale, Beethoven a composé pour notre époque, pas pour la sienne.
En tant qu'artistes, non seulement nous représentons la réalité telle qu'elle est, mais nous esquissons aussi les contours de réalités plus éloignées. C'est pour cette raison qu'Ezra Pound nous a qualifiés “d'antennes de la race”. C'est pour cela que nos perceptions sont si souvent évincées parce que ne reflétant pas la réalité, alors qu'en fait elles appartiennent à une réalité dans laquelle nous ne nous trouvons pas encore. »
Plus loin, l'auteure ajoute : « En tant qu'artistes, nous devons faire preuve de respect et de compassion envers nous-mêmes, vu les difficultés inhérentes à notre vocation. La grande aventure qu'est une vie de créativité ne concerne pas tant le territoire couvert que le fait que la majeure partie de ce que nous voyons n'a pas encore été vue. »
WOW !
Qu'en pensez-vous? A-t-elle raison de croire que nous, les artistes, sommes des cartographes, des visionnaires? J'aimerais bien vous lire...
Merci d'être là.
Annie xxx...
J'aime bien l'analogie entre l'écrivain et le cartographe. Ça fait du sens. Merci, Annie.
RépondreSupprimerCe livre semble vraiment intéressant! L'extrait que tu nous site est un peu comme un baume pour les écrivains mal compris.
RépondreSupprimerMerci!
Cartographe de l'imaginaire.
RépondreSupprimerC'est ce que je vais faire imprimer sur mes futures cartes d'affaire ;)
L'idée est très intéressante, cependant. Et l'anecdote au sujet de Beethoven est fascinante. Merci, Annie, de partager ça.
@ tous : Merci à vous de passer sur le blogue et de laisser vos commentaires ! C'est toujours apprécié ! :-)
RépondreSupprimerJ'adore Julia Cameron. Je possède 3 bouquins que je relis régulièrement, quand je sens le besoin d'un coup de pouce, d'un rafraîchissement.
RépondreSupprimerJ'aime tellement cette phrase que tu cites:"En tant qu'artistes, nous devons faire preuve de respect et de compassion envers nous-mêmes, vu les difficultés inhérentes à notre vocation. La grande aventure qu'est une vie de créativité ne concerne pas tant le territoire couvert que le fait que la majeure partie de ce que nous voyons n'a pas encore été vue."
@ Marico : Moi aussi, je l'aime...
RépondreSupprimerJ'avais écrit un message, mais il est disparu. Je disais, qu'au premier abord, j'avais pensé que cet article ne s'adressait pas à moi, puisque je ne me voyais pas comme une artiste ! Et j'ai réalisé que oui, je suis une artiste - amateure, néophyte, disparate - mais artiste quand même ;o)
RépondreSupprimerMerci Annie pour la somme d'information et de trucs de tout genre que tu partage avec nous. Tu es un ange ! Bonne journée xox
@ Lucille : Tout le plaisir est pour moi, Lucille. Tu es un ange aussi, ne l'oublie pas... ;-)
RépondreSupprimerL'important c'est que tu y trouves ce que tu cherches. ;)
RépondreSupprimerPour ma part, je n'ai pas cette vision de l'artiste. Peut-être parce qu'à la base je suis peintre et non auteure. Que pour avoir étudié l'art sous plusieurs aspects (créatif et critique/historique/analytique), je ne crois pas cette phrase :
"En tant qu'artistes, non seulement nous représentons la réalité telle qu'elle est, mais nous esquissons aussi les contours de réalités plus éloignées"
En tant qu'artiste, je ne représente pas la réalité telle qu'elle "est" mais telle que je la perçois. Ce n'est pas une nuance, c'est un écueil ! L'artiste se doit d'être un filtre, il ne cartographie pas minutieusement, il pointe des régions, déforme, agrandit, réduit... dans un but (quel qu'il soit philosophique, intellectuel ou juste divertissant)
Si l'artiste est un cartographe, c'en est un très mauvais ! Le principe du cartographe est la précision, l'exactitude (ce qui est compatible avec la création évidemment) mais il n'a pas le droit de dévier de la réalité exacte sous peine de perdre les gens, il n'a pas le droit de personnaliser, d'avoir un but. L'artiste a le devoir de troubler ses lecteurs, de les perdre sans arrêt, de les faire se poser des questions, de cacher des sentiers, d'en révéler d'autres...
Puis la fin ne me parle pas non plus :
"En tant qu'artistes, nous devons faire preuve de respect et de compassion envers nous-mêmes, vu les difficultés inhérentes à notre vocation."
Respect et compassion envers nous-même ?
Je ne comprends pas cette phrase, si cela signifie qu'il faut s'autoriser les erreurs et les approximations, je ne suis pas d'accord. Pour avoir soupé de la critique de mes professeurs, j'ai appris une seule chose : il faut être très exigeant avec soi-même, plus qu'avec n'importe qui d'autre.
C'est ce que mes professeurs m'ont appris : être exigeant avec soi-même permet de savoir ce que l'on vaut réellement. Parce qu'une fois l'école quittée, il n'y a plus personne pour vous donner une note à part vous !
Après, la difficulté est que vouloir la perfection, ce n'est pas y arriver (heureusement !) et à un moment, il faut savoir s'arrêter et passer à autre chose. C'est le plus dur d'ailleurs : ne pas trop perfectionner son oeuvre, ne pas aller trop loin, mais continuer suffisamment pour se dire :
"J'ai bossé dur, je suis satisfaite de ce que j'ai fait. J'arrête et je ferai mieux la prochaine fois."
@ Paumadou : Je respecte votre point de vue. :-)
RépondreSupprimerBonjour Annie.
RépondreSupprimerJ'ai été contente de lire un extrait du livre de Julia Cameron. J'aime beaucoup son livre. Je trouve ça important de pouvoir s'identifié et nous rappellé des choses importante, c'est pour ça que j'aime bien replonger dans son livre quotidiennement ainsi que d'autres livres comme Martin Gray :)
Attentio à toi Annie!
xoxo
@ Jane : Oui, ce livre me fait du bien à moi aussi. ;-)
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